Le Fantasio

La photographie argentique revient sur le devant de la scène

La photographie argentique revient sur le devant de la scène

La photographie argentique revient sur le devant de la scène

Une passion qui refuse de mourir

Dans un monde saturé d’images numériques, où la moindre pause-café finit en story Instagram, une étrange tendance refait surface : la photographie argentique. Oui, celle avec les pellicules, le déclencheur qui claque, et l’odeur chimique presque mystique du révélateur. Alors que les smartphones rivalisent avec des appareils reflex en termes de performances, pourquoi ces boîtiers d’un autre temps séduisent-ils à nouveau ?

La réponse tient dans une posture plus globale : ralentir, donner du sens, retrouver la beauté dans l’imperfection. La photographie argentique ne revient pas par nostalgie, mais parce qu’elle propose une autre expérience de l’image. Un retour à l’essentiel, avec un peu de grain et beaucoup d’âme.

Quand l’image retrouve du poids

Regardons les choses en face. Aujourd’hui, on photographie tout. Des plats, nos pieds, des couchers de soleil (parfois ratés), notre chat dans toutes les positions – et souvent pour ne jamais rien développer. Des téraoctets de souvenirs oubliés dans le cloud.

L’argentique, lui, impose un rythme différent. Chaque photo coûte. Littéralement. Alors on réfléchit. On cadre. On anticipe. Bref, on photographie avec intention. Et c’est peut-être là, au fond, que réside tout son charme. Car quand on shoote 36 poses et pas une de plus, on regarde différemment le monde à travers le viseur.

Photographier en argentique, c’est réapprendre la patience : attendre le bon moment, parfois rater, souvent découvrir, mais toujours vivre quelque chose. Une émotion que les pixels ont parfois lissé sous les filtres automatiques.

Des chiffres qui ne trompent pas

On pourrait croire à un phénomène de niche réservé aux puristes. Pourtant, les chiffres indiquent le contraire. Selon un rapport publié par l’analyste Grand View Research, le marché mondial de la pellicule photographique pourrait croître de 3 à 5 % par an jusqu’en 2030.

En France, les grands noms comme Kodak, Ilford ou Fujifilm enregistrent des hausses de ventes de pellicules, en particulier chez les jeunes de 18-30 ans, curieusement plus séduits par le charme du clic-clac que par les méga-pixels. Mieux : plusieurs labos de développement argentique rouvrent, notamment dans les grandes villes, preuve qu’au-delà de l’effet de mode, une vraie demande s’installe.

Les jeunes redécouvrent le grain

Ce retour de l’argentique est aussi culturel. Il s’inscrit dans un mouvement plus vaste de redécouverte des objets et pratiques « vintage » : vinyles, polaroids, cassettes audio… La génération Z, digital native comme jamais, cherche aujourd’hui du tangible. Elle veut toucher, manipuler, expérimenter. Et surtout, sortir du tout-écran.

Instagram lui-même regorge de comptes dédiés à l’argentique, où les images, souvent non retouchées, ont ce charme brut et imparfait. Des hashtags comme #shootfilmnotmegapixels ou #filmisnotdead fédèrent une communauté mondiale active, créative et passionnée.

Et que dire de l’effet « cool » ? En 2024, sortir un vieux Canon AE-1 ou un Olympus Trip dans la rue, c’est presque un statement. Comme porter des Converse usées ou boire son café filtre dans une tasse émaillée chinée aux puces : c’est penser différenciation, valeur, contre-courant.

Les marques et créateurs surfent sur la vague

Devant cet engouement, certaines marques ne s’y sont pas trompées :

Mais au-delà des marques établies, un tissu de micro-entrepreneurs s’est développé autour de l’argentique : réparateurs spécialisés, labos alternatifs, développeurs nomades, et même artisans qui créent des sacs et accessoires pour appareils photo d’époque. Une véritable économie parallèle, locale, durable, et souvent passionnée.

Apprendre (enfin) la photo

Autre tendance : l’argentique devient une façon d’apprendre réellement la photographie. Finis les rafales au hasard. Ici, on doit comprendre l’ouverture, la vitesse, la sensibilité. On compose, on observe la lumière. On échoue, et c’est bien. Parce que chaque photo ratée enseigne quelque chose.

Beaucoup d’écoles d’art ou d’ateliers réintroduisent aujourd’hui l’initiation au laboratoire photo comme un passage incontournable. Développer soi-même sa pellicule en cuve, tirer sa photo sous l’agrandisseur… Ces gestes prennent une dimension quasi rituelle. On s’implique de A à Z. Et surtout, on renoue avec le plaisir de créer avec ses mains.

Comment se lancer sans vendre un rein ?

La bonne nouvelle, c’est qu’il est tout à fait possible de se lancer dans l’argentique à moindre coût, contrairement à ce que certains laissent croire.

Voici quelques conseils simples pour débuter :

Attention tout de même : l’argentique peut devenir une passion (légèrement) envahissante. On commence avec un boîtier, et six mois plus tard, on possède trois appareils, un scanner, une cuve de développement et une étagère pleine de pellicules au frigo. Vous êtes prévenu.

L’argentique, un acte de résistance douce ?

Dans une époque où tout va trop vite, où les images s’enchaînent et s’oublient à la vitesse de nos scrolls frénétiques, prendre le temps de faire une photo argentique, c’est presque un acte politique. Un pied de nez à l’instantanéité, un vrai temps d’arrêt dans le flux.

On redonne à la photo ce qu’elle mérite : l’attention. Le silence. L’attente. L’erreur. Le frisson. Cette promesse que derrière chaque déclenchement, il y a peut-être une image qui va nous bouleverser. C’est rare, et c’est précisément pour ça que ça compte.

Alors, la prochaine fois que vous croiserez dans une brocante un vieux boîtier poussiéreux, arrêtez-vous. Prenez-le en main. Regardez à travers le viseur. Il y a tout un monde à redécouvrir, un clic à la fois.

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