Le Fantasio

Le renouveau de la cuisine végétarienne dans la gastronomie hexagonale

Le renouveau de la cuisine végétarienne dans la gastronomie hexagonale

Le renouveau de la cuisine végétarienne dans la gastronomie hexagonale

Quand le végétal prend la vedette dans les assiettes françaises

Longtemps considérée comme l’antithèse du raffinement culinaire à la française, la cuisine végétarienne refait son entrée dans le grand théâtre gastronomique hexagonal. Et cette fois, elle n’est pas cantonnée à l’accompagnement tristounet ou à la salade reléguée en bas de menu. Non. Elle s’affirme, elle s’épanouit, elle séduit. Mieux : elle rivalise.

Comment expliquer ce revirement spectaculaire ? Est-ce simplement l’effet Greta Thunberg sur nos fourchettes ? Ou assiste-t-on à une mutation plus profonde, où chefs, producteurs et consommateurs réinventent les codes de la gastronomie ? Spoiler alert : c’est un peu tout ça à la fois — et vous allez voir que le mouvement est bien plus savoureux qu’un simple effet de mode.

Des chefs étoilés qui passent au vert (sans virer bio-ennuyeux)

Premier signal fort : même les temples carnivores de la cuisine française commencent à s’ouvrir sérieusement au végétal. Alain Passard a sans doute lancé le premier pavé dans la mare dès 2001, en retirant la viande rouge de sa carte chez L’Arpège. Vingt ans plus tard, son potager en permaculture alimente ses compositions florales… euh, pardon, ses plats hypnotiques. Son ancien élève Bertrand Grébaut en fait de même chez Septime, prouvant que roots et luxe peuvent coexister sans fausse note.

D’autres noms suivent : Claire Vallée, première cheffe étoilée d’un restaurant 100% vegan avec ONA à Arès (Gironde), a reçu en 2021 son étoile Michelin. Un événement ? Oui, mais surtout un message : l’innovation culinaire ne passe plus uniquement par les techniques, mais aussi par l’éthique.

Ce que ces chefs prouvent, c’est qu’une betterave peut avoir autant de majesté qu’un filet de bœuf — pour peu qu’on sache la sublimer. L’ère de la cuisine végétarienne punitive est finie. C’est maintenant un terrain de jeu infini pour la mise en scène, le goût, et la surprise.

Et si c’était (aussi) une affaire de terroir ?

La France regorge de légumes oubliés, de légumineuses injustement boudées, de plantes sauvages qui n’attendent qu’un relooking culinaire. C’est là que les grands chefs (et les petits artisans aussi) puisent désormais leur matière première. On pense à la lentille verte du Puy, aux pois chiches de Provence ou aux choux frisés de Bretagne. Pas glamour sur le papier ? Certes. Mais une fois passés entre les mains d’un chef inspiré, ces produits se transforment en stars de l’assiette.

Le renouveau végétarien joue aussi une carte éminemment française : celle du produit. En reconnectant la table aux saisons et aux territoires, cette cuisine réaffirme le rôle du terroir dans l’identité gastronomique. C’est écolo… mais chic. Responsable, mais sexy.

Le végétarisme version bistronomie

Si la haute gastronomie flirte aujourd’hui avec le végétarisme, c’est surtout dans les bistrots nouvelle génération que le changement est palpable. Ces adresses malines, où l’on mange bien sans vendre un rein, revisitent les codes du plat végétarien avec punch et créativité. Finies les assiettes ennuyées et les menus “option VG” bricolés à la dernière minute.

Quelques exemples ?

Le point commun de toutes ces adresses ? Elles ne font pas du végétarien par nécessité ou militantisme, mais par goût. Et ça change tout.

La génération plant-based : plus qu’un effet de mode

Bien sûr, derrière ce virage vert, il y a aussi une transformation sociétale. Les jeunes générations bousculent la donne. Flexitariens, végétariens, vegans, écoresponsables en construction : tous cherchent une alimentation plus en phase avec leur conscience. Une étude Harris Interactive de 2023 révélait que près de 30 % des Français déclaraient vouloir réduire leur consommation de viande dans l’année à venir. Et ce ne sont pas que des promesses de Nouvel An.

Et les restaurants suivent. Même les brasseries classiques s’y mettent, avec en moyenne une option végétarienne — voire plusieurs — à leur carte. En 2024, proposer une cuisine végétarienne ce n’est plus une curiosité : c’est une exigence du public.

Côté formation aussi, le changement s’opère. À Ferrandi ou à l’Institut Paul Bocuse, on apprend désormais l’art du plat végétal dès la première année. Les futurs chefs n’auront pas à “convertir” leur style : ils l’intègrent d’emblée.

Des influenceurs jusqu’au potager

L’autre moteur à ne pas sous-estimer : Instagram et consorts. Ce qu’on mange doit désormais être aussi bon à manger qu’à liker. Les assiettes végétales, colorées et graphiques, sont faites pour briller sur les feeds. Pas étonnant que des créateurs comme Alice Pages, Bosh! ou Mimi Cuisine cartonnent en mêlant lifestyle, recettes équilibrées et esthétique soignée.

Mais derrière l’image, il y a souvent un retour très concret à la terre. Des potagers urbains fleurissent sur les toits des villes, des AMAP se développent à vitesse grand V, et même les épiceries participatives (coucou Supercafoutch à Marseille) proposent aujourd’hui leurs légumes en circuit court. Le végétal sort enfin du cliché « bobo de Paris 11e ». Il est dans nos cuisines, nos patios, nos lunchboxes.

Un marché en pleine ébullition

L’industrie agroalimentaire flaire évidemment le parfum des pois chiches et des protéines végétales. L’offre végétale explose : steaks de lentilles revisités, fausses viandes bluffantes, fromages végétaux dignes d’un plateau trois étoiles… Tout est là pour redonner du fun au dîner végétarien sans tomber dans le monolithe quinoa-tofu.

Mais attention : tout ce qui est végétal n’est pas automatiquement bon. Certains produits ultra-transformés, riches en additifs, surfent sur la vague verte sans réelle valeur nutritionnelle. Le vrai challenge, aujourd’hui, c’est de rester exigeant sur la qualité autant que sur la démarche.

Heureusement, beaucoup de jeunes marques françaises prennent le contrepied des géants industriels, en mettant l’accent sur la naturalité et les circuits courts. On pense à Hari&Co avec ses galettes aux légumineuses françaises, ou à Jay&Joy, premier crémier végétal de France basé à Paris.

Alors, c’est grave docteur ?

Pas du tout. Ce qui était perçu comme une tendance marginale, ou une lubie de gourous du bien-être, s’est imposé comme un pan à part entière de l’offre gastronomique française. La cuisine végétarienne n’est pas là pour remplacer la grande cuisine française — elle redonne simplement de l’élan à notre créativité culinaire.

Et entre nous, n’est-ce pas plutôt réjouissant de voir la gastronomie évoluer sans renier son sens du goût, de l’esthétique et du produit bien fait ? On peut très bien être végétarien un soir, carnivore le lendemain, et gourmand tous les jours.

Alors la prochaine fois que votre bistrot préféré propose une assiette végétarienne audacieuse, laissez-vous tenter. Non, ce n’est pas qu’un plat “sans viande”. C’est une nouvelle manière de faire vibrer l’assiette à la française. Et comme souvent dans ce pays, tout commence à table.

Quitter la version mobile